mercredi 9 février 2011

Andrée Chedid est décédée le 6 février 2011

D’origine libanaise, Andrée Chedid étudia au Caire puis s'installa en France avec son mari en 1946. Elle laisse une abondante production de poèmes, romans et nouvelles abordant les thèmes de « l’altérité ».

Pour lui rendre hommage, voici un entretien, diffusé le 4 novembre 1996 (source INA), avec le réalisateur Youssef Chahine à propos de l’adaptation du roman "Le sixième jour" :
http://www.ina.fr/art-et-culture/cinema/video/I10025951/youssef-chahine-et-andree-chedid-a-propos-du-film-le-sixieme-jour.fr.html


vendredi 4 février 2011

Édouard Glissant (1928-2011)

En hommage à la disparition de l’écrivain, voici un entretien publié dans Le Monde 2 en 2005…

Pour l'écrivain Edouard Glissant, la créolisation du monde est "irréversible"

Qu'entendez-vous par la nécessité de développer une "pensée du tremblement", à laquelle vous consacrez votre prochain livre ? Selon vous, seule une telle pensée permet de comprendre et de vivre dans notre monde chaotique et cosmopolite ?
Edouard Glissant : Nous vivons dans un bouleversement perpétuel où les civilisations s'entrecroisent, des pans entiers de culture basculent et s'entremêlent, où ceux qui s'effraient du métissage deviennent des extrémistes. C'est ce que j'appelle le "chaos-monde". On ne peut pas diriger le moment d'avant, pour atteindre le moment d'après. Les certitudes du rationalisme n'opèrent plus, la pensée dialectique a échoué, le pragmatisme ne suffit plus, les vieilles pensées de systèmes ne peuvent comprendre le chaos-monde.
Même la science classique a échoué à penser l'instabilité fondamentale des univers physiques et biologiques, encore moins du monde économique, comme l'a montré le prix Nobel de chimie Ilya Prigogine. Je crois que seules des pensées incertaines de leur puissance, des pensées du tremblement où jouent la peur, l'irrésolu, la crainte, le doute, l'ambiguïté saisissent mieux les bouleversements en cours. Des pensées métisses, des pensées ouvertes, des pensées créoles.

Pourriez-vous donner une définition de la "créolisation" ?
L'apparition de langages de rue créolisés chez les gosses de Rio de Janeiro, de Mexico, ou dans la banlieue parisienne, ou chez les gangs de Los Angeles. C'est universel. Il faudrait recenser tous les créoles des banlieues métissées. C'est absolument extraordinaire d'inventivité et de rapidité. Ce ne sont pas tous des langages qui durent, mais ils laissent des traces dans la sensibilité des communautés.
Même histoire en musique. Si on va dans les Amériques, la musique de jazz est un inattendu créolisé. Il était totalement imprévisible qu'en 40 ou 50 ans, des populations réduites à l'état de bêtes, traquées jusqu'à la guerre de cessetion, qu'on pendait et brûlait vives aient eu le talent de créer des musiques joyeuses, métaphysiques, nouvelles, universelles comme le blues, le jazz et tout ce qui a suivi. C'est un inattendu extraordinaire. Beaucoup de musiques caribéennes, ou antillaises comme le merengue, viennent d'un entremêlement de la musique de quadrille européenne et des fondamentaux africains, les percussions, les chants de transe. Quant aux langues créoles de la Caraïbe, elles sont nées de manière tout à fait inattendue, forgée entre maîtres et esclaves, au cœur des plantations.
La créolisation, c'est un métissage d'arts, ou de langages qui produit de l'inattendu. C'est une façon de se transformer de façon continue sans se perdre. C'est un espace où la dispersion permet de se rassembler, où les chocs de culture, la disharmonie, le désordre, l'interférence deviennent créateurs. C'est la création d'une culture ouverte et inextricable, qui bouscule l'uniformisation par les grandes centrales médiatiques et artistiques. Elle se fait dans tous les domaines, musiques, arts plastiques, littérature, cinéma, cuisine, à une allure vertigineuse…

La suite sur...
http://www.lemonde.fr/carnet/article/2011/02/03/pour-l-ecrivain-edouard-glissant-la-creolisation-du-monde-etait-irreversible_1474923_3382.html