mercredi 10 novembre 2010

La fin du multiculturalisme ?

La crise économique, qui traverse l’Europe et le monde, sème le doute et entraîne une crise de la pensée. La peur fait rejaillir le repli identitaire et les réactions sont de plus en plus violentes. Après le rêve d’une Europe multiculturelle qui a enthousiasmé plusieurs générations traumatisées par la Seconde Guerre Mondiale, la chancelière allemande Angela Merkel – comme de nombreux autres leaders politiques européens – pose la question des rapports entre « culture dominante » et « cultures minoritaires ».

Angela, le “Multikulti” et l’universalisme (extrait)
par Richard Herzinger - Die Welt - 10 novembre 2010

On évoque de tous côtés, dans le cadre du débat sur l’immigration, un phénomène qu’on qualifie avec le diminutif moqueur, voire sarcastique, de Multikulti [multiculturalisme]. La chancelière Angela Merkel a déclaré récemment : “Dire un beau jour que ça y est, on se met au Multikulti, on vit les uns à côté des autres, et tout le monde est content – cela a échoué, totalement échoué.” Et Horst Seehofer [ancien ministre, dirigeant de l’Union chrétienne-sociale (CSU) et actuel ministre-président de Bavière] d’ajouter : “Nous, chrétiens-démocrates et chrétiens-sociaux [CDU-CSU], nous défendons la culture dominante allemande [“deutsche Leitkultur”] et sommes contre le Multikulti. Le Multikulti est mort.”

Le président de la CSU, à cette occasion, a une fois de plus oublié de définir ce qu’il entendait exactement par cette fameuse “culture dominante allemande”. Interrogées sur le sujet, les personnalités politiques chrétiennes-démocrates évoquent en général les libertés et les droits qui figurent dans la Loi fondamentale d’une société ouverte et démocratique. Ces valeurs n’ont pourtant rien de particulièrement allemand. Ce sont les valeurs universelles des Lumières et des droits de l’homme, que l’on retrouve dans la Constitution des Etats-Unis et celle de la France, et qui ont fini par s’imposer en Allemagne malgré une résistance funeste et acharnée. En opposant au “Multi¬kulti” l’expression creuse de “culture dominante allemande”, les politiques, par provocation ou par ignorance de l’Histoire, oublient un détail pi¬quant : ils suivent ainsi la logique anti-universaliste, cette même idéologie qui a produit le “multiculturalisme”, qu’ils considèrent comme une ineptie.

Le multiculturalisme, c’est bien davantage que ces sauteries naïves que l’on associe aux fêtes de quartier alternatives et aux défilés de carnaval exhibant les traditions culturelles. Le terme possède une longue tradition intellectuelle et sociale. Dès le début du XXe siècle, des auteurs américains comme William E. B. Du Bois [1868-1963] – un des fondateurs de la NAACP, l’Association nationale pour l’avancement des personnes de couleur – remettaient en question la notion de “melting-pot”, ce creuset dans lequel les divers groupes d’immigrés étaient censés se fondre pour former une entité nationale unique. Les pionniers du multiculturalisme préféraient l’idée d’un pluralisme culturel qui permettrait à chaque groupe ou minorité ethnique de conserver sa singularité tout en faisant partie intégrante de la culture américaine.

La suite sur…
http://www.courrierinternational.com/article/2010/11/10/angela-le-multikulti-et-l-universalisme